Éléments constitutifs de la vie découverts bien au-delà de notre galaxie

10

Le télescope spatial James Webb (JWST) est entré dans l’histoire en détectant des molécules organiques complexes (COM) figées dans la poussière entourant une jeune étoile située dans le Grand Nuage de Magellan (LMC), une galaxie juste au-delà de notre propre Voie Lactée. Cette découverte marque la première fois que ces ingrédients cruciaux pour la vie sont observés enfermant une protoétoile en dehors de notre voisinage galactique.

Le LMC, une galaxie naine située à environ 163 000 années-lumière de la Terre, constitue un laboratoire cosmique unique pour les astronomes. Elle est riche en gaz et en poussières, mais contient moins d’éléments lourds que la Voie lactée. Cette différence de composition peut nous aider à comprendre comment la chimie organique a évolué au début de l’univers.

Marta Sewiło et son équipe de l’Université du Maryland ont utilisé le puissant instrument infrarouge moyen (MIRI) de JWST pour scruter les nuages ​​tourbillonnants entourant la protoétoile massive ST6. Dans cet environnement glacial, des molécules comme l’acétaldéhyde, l’acide acétique, l’éthanol, le méthanol et le formiate de méthyle ont été identifiées comme des revêtements glacés sur les grains de poussière. Ces COM sont familiers sur Terre ; nous les utilisons dans les processus industriels ou les rencontrons dans des produits du quotidien comme le vinaigre (acide acétique) et les boissons alcoolisées (éthanol et méthanol). Mais leur importance va au-delà de leurs utilisations terrestres.

À l’échelle cosmique, ces molécules agissent comme des éléments constitutifs de structures encore plus complexes – les molécules de « deuxième génération » essentielles à la vie telle que nous la connaissons, comme les acides aminés et les composants d’ARN. La découverte de ces ingrédients de base gelés dans des enveloppes glacées autour de ST6 offre un aperçu des tout premiers stades de la formation des étoiles et des planètes.

Un aperçu des débuts de la chimie

Cette détection est révolutionnaire car il est beaucoup plus difficile de repérer les COM dans leur état glacé que de les observer sous forme de gaz. Bien que des COM en phase gazeuse aient déjà été découvertes autour de jeunes étoiles, leurs homologues congelés fournissent des indices précieux sur la progression de la chimie au sein de ces pépinières stellaires naissantes.

Avant que le noyau d’une protoétoile ne se réchauffe de manière significative, les températures oscillent près du zéro absolu, permettant aux molécules complexes de se solidifier sur des grains de poussière comme des revêtements glacés. À mesure que le noyau se réchauffe, cette glace se sublime (passe directement du solide au gaz), libérant les COM pour que d’autres réactions chimiques se produisent. Cette phase gazeuse permet la synthèse de molécules encore plus complexes, cruciales pour la vie : le propanol, le propanal et éventuellement des acides aminés.

Cependant, ceux-ci n’ont pas encore été détectés autour de ST6. La présence de COM gelées autour de cette protoétoile offre un aperçu de la soupe primordiale où naissent les étoiles, faisant allusion à l’assemblage progressif de molécules organiques complexes qui ont finalement conduit à la vie sur notre planète.

Questions sans réponse : la chasse continue

Bien que l’équipe ait confirmé plusieurs COM spécifiques, leur analyse a également révélé au moins quatorze raies d’absorption non identifiées dans le spectre de ST6 – des empreintes digitales potentielles de molécules inconnues. Parmi ces inconnues figure le glycolaldéhyde, un précurseur clé du ribose, un composant essentiel de l’ARN. Bien que prometteuse, d’autres études en laboratoire sont nécessaires pour confirmer définitivement sa présence.

“Il est probable que davantage de COM soient présents dans les glaces autour de ST6”, souligne Sewiło, soulignant la vaste étendue de ce puzzle cosmique encore à explorer. “Nos résultats mettent en évidence la nécessité de mener davantage d’expériences en laboratoire.”

Cette découverte pionnière de JWST ouvre un nouveau chapitre dans notre compréhension de la façon dont les éléments constitutifs de la vie émergent au milieu du chaos de la naissance stellaire. Le LMC, avec son environnement chimique unique, devient encore plus crucial en tant que lieu permettant d’examiner ces premières étapes de l’évolution organique et de mieux comprendre la chronologie de l’émergence de la vie dans l’univers.